Promouvoir et diffuser le Psychodrame

Marco Greco avec Fabrice Rosina

« Je suis diplômé en théologie et psychologie, avec une spécialisation en psychodrame de l’école de Giovanni Boria. Depuis quinze ans, je fais aussi de la formation, avec la méthodologie psychodramatique... »

Peux-tu te présenter et dire ce que tu fais ?

Je suis diplômé en théologie et psychologie, avec une spécialisation en psychodrame de l’école de Giovanni Boria. Depuis quinze ans, je fais aussi de la formation, avec la méthodologie psychodramatique, Après mon diplôme de théologie, je suis devenu directeur d’une communauté thérapeutique, et j’y ai croisé la route du psychodrame. A Rome, j’ai rencontré un professeur, Ottavio Rosati. Un peu morénien, un peu junguien. En Italie, on parle de psychodrame junguien, quand il se réfère vraiment à l’univers de Jung, avec les symboles, archétypes, et interprétations. Anne Ancelin avait une orientation plus freudienne, voire lacanienne, me semble-t-il. En Italie, le psychodrame junguien est très pratiqué surtout à Turin avec Maurizio Gasseau à Turin. Quand j’ai dû choisir une école de psychodrame, je me suis orienté vers la pratique morénienne. Il n’y avait que celle de Giovanni Boria à l’époque. En 1991, je m’y suis inscrit. Je ne le connaissais pas ni les spécificités moréniennes. 

Ottavio Rosati est important en Italie car il s’est occupé des traductions de Moreno. Fort sur le plan théâtral. Mais avec lui, il faut avoir un culte de la personnalité, se conformer à son modèle, son schéma, sa personnalité. Pour moi, c’était trop. Je venais du séminaire et de la théologie. Je m’étais éloigné de tout ça. Je n’aimais pas être manipulé, contraint, façonné, réduit, ni formé de manière agressive. Par chance, j’ai rencontré Boria et ses enseignants qui étaient beaucoup plus tranquilles. Un modèle plus apaisé. Je m’y suis senti bien immédiatement. 

Pourquoi tu t’es orienté vers le psychodrame ?

Dans un cours, Ottavio Rosati explique ce qu’est le psychodrame. Je n’en avais jamais entendu parler. Dans les communautés thérapeutiques, nous avions besoin d’outils de groupe. Le psychodrame nous les donnait. Ottavio nous dit: « prenez une feuille et faites un dessin qui exprime ce que vous avez compris et intériorisé de cette méthode. » Je me souviens d’avoir dessiné un théâtre, avec son rideau, des acteurs sur scène. Devant eux, de nombreuses têtes de spectateurs, avec des lignes, des connexions entre les cœurs des acteurs et les têtes des spectateurs. Ottavio voit mon dessin et me dit : « tu as très bien compris ce que c’est. » Je ne savais pas si j’avais vraiment compris. Je crois qu’il m’a baptisé ce jour-là et autorisé à explorer ce monde. J’avais fait beaucoup de groupes avant et le thème m’intéressait. J’aimais me mesurer au groupe. Je sentais qu’il s’y passait des choses particulières. L’homme est un animal social qui peut être malade dans un groupe et aussi s’y soigner. 

Comment s’est passée la formation chez Gianni Boria ?

Quatre années de formation. Un weekend par mois pendant dix mois. C’était très structuré. Les étudiants apprenaient à activer le groupe,  et diriger en sécurité. Au début, de petits échauffements, puis des travaux avec le groupe, et enfin avec le protagoniste. Entrer dans un groupe pour y faire émerger quelque chose, à travers ses membres. Les étudiants dirigeaient les activités chacun à leur tour, sous l’observation d’une formatrice, qui prenait des notes et nous faisait un feed back. Parfois, elle dirigeait un psychodrame. On la voyait faire des choses merveilleuses. Par rapport à nous, la distance était aussi grande qu’entre la Terre et la Lune. On sentait qu’elle était très assurée. Ma formatrice était Paola De Leonardis, qui aujourd’hui a son école, à Milan. Une personne d’une grande culture, très compétente, et très dure aussi. Une sorte de Anne Ancelin Schützenberger italienne. La plus Ancelin Schützenberger de toutes les formatrices que j’ai eues. Donc moi aussi j’ai eu mon Anne Ancelin. Je l’ai suivie après. On a fait des choses ensemble. Nous nous aimons bien même si elle est restée très Anne Ancelin. Ça m’amuse beaucoup de dire ça. Je me souviens que j’arrivais au weekend de formation très fatigué. J’étais directeur de la communauté thérapeutique. Comme je l’avais fondée, je devais la structurer. Ça me prenait beaucoup d’énergie.

Comment tu te sentais personnellement dans cette formation ?

Je jouais à ne pas comprendre. J’avais besoin d’une thérapie personnelle. Je voulais faire une expérience humaine et me faire accueillir comme j’étais, ignorant, incapable de comprendre.  Je faisais rire les autres. En deuxième année, mes camarades de formation en avaient assez de mon comportement. Un rigolo. Ils avaient du mal à diriger les jeux quand j’étais ego-auxiliaire. Je faisais parfois rire le protagoniste au lieu de l’aider. Je mettais le psychodramatiste en difficulté. Mes camarades se plaignaient auprès de Paola De Leonardis. Je me souviens d’un jour où Giovanni Boria a rompu la règle de la symétrie. C’était la dernière session de juin. Il entre dans le théâtre et me dit « monte sur le balcon. » Il a braqué toutes les lumières sur moi et tous mes camarades sont venus sur scène. Gianni a dit : « dites un peu comment vous avez vu Marco cette année. » Et ils m’ont massacré. Ils ont dit « Marco, tu es vraiment un crétin. » « Tu nous fais rire. On ne sait pas si tu comprends quelque chose. Est-ce que tu prends la formation au sérieux ? » En fait, ils m’ont dit la vérité. Gianni m’a dit : « tu as les épaules assez larges pour entendre ça. » Puis, il m’a accepté en troisième année. Je suis passé à travers les fourches caudines. Un petit tribunal. Il a activé la fonction du miroir d’une façon non banale. Je devais entrer dans une vraie présence, qualitative et m’appliquer à comprendre. Je me suis accordé une crise dans mon parcours. La 3ème et 4ème années ont été meilleures.

Tu as changé de comportement ?

Oui j’ai changé. Il fallait diriger avec le protagoniste et qu’il ait confiance en son camarade de classe qui devenait son psychodramatiste. Je devais être sérieux sur l’action que je commençais à diriger. J’ai dû fournir des efforts pour gagner leur confiance. 

Tu voulais aller jusqu’au bout de la formation ?

Je cherche toujours à finir une formation. Par exemple, j’ai fini ma formation de théologie alors que j’avais quitté le séminaire. Le parcours universitaire a été long car, à Turin, il n’y avait pas de fac de psychologie. Je travaillais déjà. Je faisais des aller-retour à Padova. J’étais fatigué. J’allais aux examens, j’étudiais dans les trains, les bus, la nuit, le dimanche. Un parcours très compliqué et épuisant. Mais je sentais que c’était ma voie. J’aimais appliquer des stratégies et des techniques psychodramatiques dans les communautés thérapeutiques auprès des personnes qui luttaient contre la toxico-dépendance. Je me débrouillais. Je n’ai jamais eu un doute sur le fait de finir la formation. Je ne peux pas laisser les choses à moitié. A peine diplômé, en 95, Gianni nous a proposé de devenir les assistants des enseignants. Il voulait préparer de nouveaux profs. Alors pendant cinq ans, j’ai continué à aller à Milan, un weekend par mois. Je participais à la formation pour devenir enseignant. Donc quatre ans de formation et cinq ans pour devenir prof. Presque dix ans pour ouvrir mon premier groupe à Turin, en 2001.

Qui sont les personnes qui t’ont inspiré ?

Ottavio Rosati même si je ne l’ai pas choisi. Il a transformé le gymnase de la communauté en studio de télévision. Il a tourné une quinzaine de séances de psychodrame avec le théâtre de Turin, dans ma communauté thérapeutique. C’est passé sur la RAI (Radio Televisione Italiana), dans les années 85. Ça a eu un grand retentissement car on montrait des émotions, des sentiments humains, des souvenirs. Il n’y avait pas de reality shows à la télé, seulement des films, des émissions de variétés, etc. J’observais. Je n’étais pas dans le groupe. Je préparais mes examens. Je passais mes journées à regarder. C’était très impressionnant. J’ai rencontré des acteurs qui se mêlaient aux jeunes de la communauté. Ottavio a fait un casting d’un mois pour construire son groupe. Parfois il y avait une séance, avec les caméras, la musique. Ottavio m’a montré comment le psychodrame peut être un acte artistique. C’est un grand homme de théâtre. Il a toujours travaillé avec des acteurs. C’est un communiquant avec une vaste culture. Grand connaisseur de Jung et de Moreno.

En deuxième, Giovanni Boria. C’est lui qui m’a donné l’opportunité de devenir enseignant dans son école. J’ai ouvert l’école de Turin avec lui. Giovanni, ses livres, son exemple, sa culture. Un homme très intéressant.  Et aussi Paola De Leonardis.

Je dois aussi évoquer Zerka Moreno. Je me souviens d’un jeu où il fallait jouer Moreno. Elle demande : « qui veut jouer Moreno ? » J’ai levé le doigt. J’ai joué Moreno. Elle m’a assis sur une chaise. Elle a dirigé Moreno et c’était moi. Très impressionnant d’être entre les mains de Zerka. 

Il y a aussi Anne Ancelin Schützenberger, rencontrée en 2009. J’ai un épisode amusant. Anne Ancelin était déjà dans un fauteuil roulant au congrès IAGP à Rome. Je m’étais inscrit dans son workshop. On était tous dans la salle. C’était une sorte de débat entre elle et une autre. Mais elle n’arrivait pas. Je l’avais vue dans l’hôtel se déplacer en fauteuil roulant. J’ai imaginé qu’elle s’était perdue dans les couloirs. Mon flair m’a dit qu’elle était par là. J’y vais et la trouve. Elle essayait de comprendre où était la salle dans l’hôtel. Je lui dis : » venez avec moi. » Je l’emmène jusqu’à la salle. Je pense que cela l’a touchée. Le lendemain, elle arrive avec son dernier livre édité en italien. Elle m’écrit une dédicace. « C’est pour toi. » Et elle m’offre son livre. Je la retrouve dans une très grande salle avec plein de gens. Gianni et moi arrivons en retard. Nous entrons doucement et l’entendons dire : « je ne veux pas de photos. Aucune photo. » A un certain moment, elle interrompt son travail avec la protagoniste et crie quelque chose dans notre direction. Elle avait dû voir ou entendre quelqu’un derrière nous qui photographiait. Elle a commencé à crier comme une folle, agitant sa canne, se levant de sa chaise. « Dehors, dehors, sortez. » Elle a mis la personne dehors. Elle devait s’occuper de la protagoniste. C’était un moment très délicat dans le jeu. Cette scène me revient. On a été assez choqués avec Gianni. Je l’ai revue en 2014 à Londres avec René Marineau, et Hélène, sa fille. Elle devait décider de l’endroit où elle voulait mettre ses archives. Marineau a aidé la décision de les mettre à Turin. Je suis allé chez elle plusieurs fois, j’ai ses films. Elle était très en colère contre Moreno, sur sa façon de traiter les femmes. Ce fut un honneur pour moi d’aller dans sa maison. C’était un grand privilège. Un parfait inconnu italien n’avait aucune raison d’entrer chez elle. Impensable. Aller dans le château de la reine sans raison. Peu à peu, j’ai trouvé quelques raisons. 

Un de mes mythes était René Marineau. Il était important car en 1990, Boria édite un petit livre qui s’appelle « spontanéité et rencontre », En prenant des morceaux de la biographie de Moreno par Marineau, il cherche les traces dont les dispositifs psychodramatiques se sont matérialisés dans sa trajectoire de vie. Il raconte la vie de Moreno en soulignant les moments particuliers dans lesquels les techniques apparaissent. C’est pour ça que Marineau était un mythe absolu. Je l’ai rencontré en 2014 à Londres. Il est devenu membre honoraire de l’association du Musée Moreno. Un sponsor, un ami. Il a dormi à la maison. 

Un dernier. Yaacov Naor, grand psychodramatiste juif. Mort prématurément. Il habitait à Tel Aviv. Une personne d’une grande bonté, culture, gentillesse, capacité téléique extraordinaire. Avec une psychodramatiste allemande Hilde Gött. il allait chaque année à Auschwitz. Lui, fils de réfugiés juifs, elle, descendante de la hiérarchie nazi. Chaque année, ils proposaient une rencontre entre les troisièmes et quatrièmes générations des personnes internées dans les camps de concentration avec ceux qui avaient fait la guerre comme nazis. Faire se rencontrer des mondes et des expériences.

Et aussi Régina Moreno. J’ai eu un flirt avec elle.  Avec son frère et Zerka, ils sont les fondateurs de l’association du musée Moreno. En 2007, nous étions en Roumanie, il y avait une célébration, un anniversaire morénien, Michael Wieser psychodramatiste autrichien, historien de la vie de Moreno a présenté les premiers éléments d’un musée dans la maison de Moreno. Puis, il y avait une sorte de fête, la musique, un banquet, les danses traditionnelles roumaines. Mais personne ne dansait. Régina vient me voir et me dit : « on danse ? » Elle m’a fait danser, moi qui ne danse pas. Et nous nous sommes un peu aimés dans ce moment. Je l’ai revue à Vienne, avec son frère. Elle se souvenait de moi, avec un grand plaisir. A tel point que lorsque Agathe Crespel est allée vivre quelques mois en Californie, je lui ai dit d’aller la voir et la saluer de ma part. Un jour Agathe m’envoie la photo où elle est avec Regina. Agathe m’a dit qu’elle se souvenait très bien de qui j’étais. Ça me fait du bien ces souvenirs un peu narcissiques, pas trop j’espère. 

Comment tu peux définir ta façon de diriger des psychodrames ?

Le lieu théâtral pour moi est important. L’idée de Moreno me plait : un lieu théâtral pour faire émerger des événements. J’en parle aux étudiants. Un étudiant psychologue imagine son cabinet, avec des fauteuils, des canapés, des objets. Je l’invite à penser qu’il devra construire aussi son théâtre. L’idée est belle : « quand je serai grand, je construirai mon théâtre. » ça me plait, c’est étrange comme idée. « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? Je construis mon théâtre. » Un contexte théâtral, même simple. Des lumières qui peuvent se régler. Des objets, des chaises, des coussins, des foulards.

En deuxième, aider le groupe à se surprendre. Inventer quelque chose, à ce moment-là, dans ce lieu particulier, avec l’addition des personnes. Le groupe peut faire émerger quelque chose. J’aime penser que je suis une sorte d’alchimiste qui peut faire arriver des choses. Que le groupe arrive à se surprendre, à penser que la vie peut surprendre. Pour ne pas penser que c’est comme ça la vie :  des douleurs, traumas, angoisses, pour toujours. Nous ne sommes pas condamnés à ça, à ne pas rencontrer les autres, la dépression, et la mort bien avant qu’elle n’arrive. Vouloir expérimenter les possibilités, comme des ingrédients que l’on peut cuisiner dans le théâtre. Les techniques, les stratégies. Faire essayer et émerger des choses. Activer la relation entre les membres du groupe. Utiliser le corps. Toucher. L’embrassade, la lutte, le regard, le repos. Presque comme l’hypnose. Les dimensions oniriques. 

On pense parfois qu’une session de psychodrame se tient dans un univers clos, une bulle. J’aime que cette bulle explose et aille vers l’altérité. Comme dirait Moreno, les personnes ont le désir d’aller vers les autres. Pour rencontrer et se réconcilier avec l’autre, qui est à l’intérieur d’eux-mêmes mais aussi à l’extérieur. L’explosion vers l’altérité. J’aime cette métaphore. 

J’aimerais transmettre deux éléments aux étudiants. 

Il ne faut pas craindre de s’engager, faire l’expérience, même si c’est raté. Je me réfère à mon expérience dans l’école de psychodrame. Je me trompais peut-être mais je le faisais quand même. Peu à peu, j’ai appris à voir ce qui était mieux, plus juste. Dès qu’il y avait quelque chose comme des événements, des rencontres, ou des ateliers, j’y allais toujours. J’ai travaillé avec plein de gens. Je ne perdais pas l’occasion d’aller voir différents modèles. Même du psychodrame psychanalytique. J’essayais de comprendre les différences, dialoguer, voir les connexions. Tout cela m’aidait à préciser ma propre pratique.

J’ai beaucoup lu mais je pense qu’il me reste encore énormément de livres à lire. Il faut une grande envie d’étudier. Étudier, étudier, étudier. Sur la vie de Moreno, la psychologie, la psychiatrie, les différentes disciplines, les écoles de pensée. Tout ce qui appartient à notre histoire. Étudier la matière psychodramatique. Aller chercher les compétences. Il y a du matériel partout. Dans notre langue, mais aussi avec les traducteurs numériques. On peut lire dans toutes les langues. Je veux le dire et le crier avec force. Parce que les psychodramatistes sont souvent accusés d’être des gens avec une faible culture, qui se contentent de faire du théâtre, et qui n’ont pas conscience de ce qu’ils font ni de ce qu’ils provoquent chez les personnes et les groupes. Etudier sur un mode méditatif. Chercher à comprendre les concepts, se les approprier, les faire siens, se confronter aux autres collègues, étudiants, enseignants. Explorer d’autres mondes de pensée. Par exemple la psychanalyse, avec ses modèles. Ils ont de grands auteurs, une littérature abondante, Les étudiants qui font de la psychanalyse lisent plus facilement les ouvrages. En revanche, un étudiant en psychodrame n’est pas suffisamment cultivé. Pourtant nous devons l’être et bien maitriser notre culture psychodramatique. 

Quels sont tes futurs projets en lien avec le psychodrame ?

Trois projets. Gianni Boria vient d’avoir 88 ans. Je suis de la troisième génération. Boria, première génération, avec Paola De Leonardis. Luigi Dotti, deuxième génération. Ils ont leurs écoles. Je suis de la troisième génération. Je pense pouvoir aider Boria et le mouvement psychodramatique italien dans ma petite école. Projeter l’expérience de Giovanni Boria dans l’après Boria. Je peux aider. J’y travaille depuis des années. Nous sommes mûrs pour prendre des responsabilités. 

Le deuxième projet. Depuis quelque temps, grâce à votre disponibilité, peut-être à une intuition d’Anne Ancelin qui a apporté ses archives à Turin. Grace aussi à Agathe Crespel qui a fait des ponts avec le monde français, belge. Je connais beaucoup d’entre vous, dans vos mondes particuliers. Le projet, c’est de créer un pont toujours plus riche. Je me sens presque appelé par Anne Ancelin, pour créer ces liens qui me nourrissent énormément, et aussi pour vous aussi. Echanger des compétences, apprendre réciproquement. On peut imaginer des choses de plus en plus abouties. Apprendre et créer des choses ensemble. 

Le troisième projet. Je suis président de l’association du musée Moreno. Deux raisons d’être : collecter les archives du psychodrame. Nous avons eu celles d’Anne Ancelin, d’autres arriveront peut-être. Pour sauver le patrimoine, à destination des jeunes qui ne connaissent pas la culture ni les documents. Conserver le patrimoine de nos maitres, pour nous et les générations futures. Bien sûr, avec des archives professionnelles consultables facilement. Deuxième partie, développer des lieux moréniens, en créant un musée dans la maison de Bad Vöslau. C’est le dernier lieu morénien car Beacon n’existe plus. On cherche les sponsors. Ce pourrait être le barycentre du psychodrame dans le monde, né en Europe. On pourrait aussi construire un théâtre. Le premier théâtre de Moreno était une location dans une association d’artistes féminines dans le centre de Vienne. C’est là qu’il a inauguré le théâtre de la spontanéité. Puis il a exporté l’expérience à New York. Cette année, on va inaugurer la pose d’une plaque commémorative : « ici est née l’expérience du théâtre de la spontanéité ». Je laisserai ensuite la présidence de l’association à quelqu’un d’autre.

Comment souhaiterais-tu conclure ?

Cette interview est destinée à votre école. Des étudiants vont la lire. A ceux qui liront, je veux dire qu’ils ont bien fait de s’inscrire dans votre école. Et ils feront bien d’amener leurs collègues à s’y inscrire à leur tour. C’est une école de grande qualité. J’apprends à la connaitre peu à peu. Avec une grande humilité.  Je découvre une école différente de la mienne. Certains éléments se ressemblent. Vous participez à l’école avec une grande passion, une grande volonté de comprendre, entrer dans les concepts, et dans l’âme de la méthodologie psychodramatique. Ce n’est pas qu’une question de techniques. Il y a une âme psychodramatique. Et le concept fondamental qui donne vie à la méthode, c’est la rencontre. Ils ont bien fait de venir dans votre école car ils peuvent faire une expérience humaine de rencontre, riche et profonde.